La rentrée scolaire 2015-2016 a bien eu lieu dans les territoires palestiniens, dans la Bande de Gaza comme en Cisjordanie : les familles ne se sont pas laissé démoraliser et ont pris leur courage à deux mains pour envoyer leurs enfants à l’école, en dépit d’une situation presque surréaliste.
Plus de 1.200.000 élèves ont repris le chemin de l’école en septembre : 700.000 en Cisjordanie et 500.000 dans la Bande de Gaza.
On compte environ 800.000 élèves inscrits dans les écoles publiques (70 % de la population scolaire) ; 300.000 dans les écoles de l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East ) pour les réfugiés (23%) ; et 100.000 dans les écoles privées (7%). Le système éducatif palestinien comporte en effet trois types d’écoles : 1.850 écoles publiques gérées par le ministère palestinien de l’Éducation, 390 écoles privées, dont certaines à caractère religieux (musulmanes ou chrétiennes), tandis que 300 établissements sont gérés par les Nations unies et accueillent les enfants des réfugiés.
Le taux de scolarisation, cette année, dépasse 90%, selon le rapport de l’UNESCO, malgré l’occupation israélienne. Cette volonté des familles palestiniennes de scolariser leurs enfants montre que l’éducation est un enjeu bien compris par les Palestiniens, à la fois en termes d’avenir, mais aussi comme démarche d’affirmation et de revendication d’une identité collective nationale.
En Cisjordanie, toutefois, la rentrée scolaire s’est déroulée le souvenir de ce bébé brulé vif avec son père, début août, par des colons israéliens, dans leur maison, dans le village de Doma, près de Naplouse ; la mère de l’enfant, enseignante, n’a quant à elle pas rejoint son tableau noir et ses élèves : elle est toujours entre la vie et la mort, dans un hôpital.
Atteindre son école n’est cela dit pas une sinécure pour les petits Palestiniens : les élèves affrontent de nombreuses difficultés, parfois bloqués pendant des heures aux check-points israéliens, arrêtés aux points de passage du tristement célèbre « mur de la honte », retardés par les contrôles intempestifs… Le gouvernement israélien a lui aussi bien pris conscience de l’enjeu d’avenir que constituait l’éducation… et essaie donc perturber les horaires des cours et de rendre aussi difficile que possible l’accès aux écoles et aux universités pour les élèves et les étudiants palestiniens.
Par ailleurs, les infrastructures scolaires sont désormais très insuffisantes : dans le nord de la Vallée du Jourdain, l’armée d’occupation israélienne a détruit, à la veille de cette rentrée, une école qui abritait cinq classes située. Mais ce n’est là qu’un « détail » à l’échelle de la problématique…
Dans la Bande de Gaza, un an après la fin de l’offensive militaire de l’été 2014, la plupart des écoles détruites par les bombardements « ciblés » de l’aviation israélienne n’ont pas été reconstruites, du fait du refus des autorités israéliennes d’autoriser l’entrée des matériaux de construction dans cette région sous blocus. Les élèves s’entassent dès lors, parfois à plus de 60 par classe, dans les bâtiments encore intacts ou à tout le moins raisonnablement utilisables.
Le secteur éducatif a en effet été très touché lors de l’agression israélienne contre la Bande de Gaza : 32 écoles publiques ont été détruites totalement ; 150 écoles publiques bombardées ; 5 écoles de l’ONU également ; 10 écoles privées ; 5 universités ; et 7 écoles du nord de la Bande Gaza ne peuvent pas accueillir d’élèves, car elles arbitrent toujours plus de 9.000 réfugiés sans abri. Notons aussi que 22 fonctionnaires du ministère de l’Éducation ont trouvé la mort lors de ces bombardements.
Cette rentrée des classes, c’est aussi le souvenir des 300 élèves et 40 professeurs tués, il y a un an, par les forces d’occupation israéliennes. Une nouvelle rentrée scolaire sous blocus, dans cette région de plus en plus isolée et enfermée, avec en outre des conséquences sur l’approvisionnement en livres et manuels scolaires, pour ces milliers d’élèves. Comme en chaque début d’année scolaire, les élèves palestiniens, dans chaque école, déposent symboliquement un carton portant le nom des élèves victimes sur une chaise vide et poursuivent leurs cours…
Une particularité de cette rentrée scolaire : dans la Bande de Gaza, les écoles de l’UNRWA, qui accueillent les élèves palestiniens issus des camps des réfugiés, n’ont pas repris les cours début septembre… À cause des restrictions budgétaires onusiennes. Certains élèves ont pu se rabattre sur d’autres lieux, mais plus de 200.000 d’entre eux ont attendu que les activités de ces écoles reprennent… Ils ont attendu, trépignant d’inquiétude ; si, en Europe, les « têtes blondes » rechignent à empoigner leur cartable le matin, à Gaza, les petits élèves s’endorment parfois, le soir, en le serrant entre leurs bras.
Malgré le mur de la honte, les check-points, les mesures ignobles de cette occupation perfide, et les difficultés économiques, les élèves de Gaza et de Cisjordanie se débrouillent pour rejoindre leurs écoles.
L’attachement des familles palestiniennes à l’éducation se manifeste par leur détermination, leur patience et leur pugnacité : un élève peut passer six heures à un check-point, mais il ne repart pas en arrière ; malgré le chômage et les difficultés économiques, on trouve les moyens de faire face aux frais de scolarité ; les manuels scolaires représentent un trésor, les maisons et les écoles sont-elles détruites, les cours se poursuivent sous les tentes.
Quand une maison est détruite par des bombardements israéliens, la mère palestinienne fouille les ruines, recherchant avant tout les manuels scolaires de ses enfants.