« En cinquante et un jours de guerre, les brigades al-Qassam et la résistance ont remporté la victoire ! Elles ont commencé la guerre en tirant leurs roquettes sur Haïfa ; et elles l’ont terminée par une frappe sur Haïfa ! » Ainsi exultait un des chefs du Hamas, lorsque l’accord de cessez-le-feu avec Israël a été déclaré, ce mardi 26 août 2014. Entre schizophrénie et lapsus rédhibitoire, retour sur une réalité morbide…
De quelle victoire peut donc bien faire état le leader du Hamas, alors qu’une grande partie des agglomérations de la Bande de Gaza ne sont plus que champs de ruines et que la population civile a payé le prix de près de 2.200 morts, dont la majorité sont des femmes, des enfants et des vieux !? Un demi-millier d’enfants !?
C’est pourtant le discours que l’on tient aujourd’hui à la tête du Hamas.
Mais y croit-on vraiment, là-bas, à Gaza ?
Ou bien cette impression d’entendre des adolescents qui ont fait une grosse bêtise essayer de garder la face et de justifier leur exaction par des discours triomphants odieux et peu crédibles qui nous parvient de Gaza expliquerait-elle pourquoi un malaise fait aujourd’hui tressaillir la Palestine ?
Cinquante et un jours de bombardements. 2.143 morts. Des quartiers d’habitations entiers rasés. Des milliers de familles sans abri, des gens simples dans le plus total dénuement. Des morgues débordantes de cadavres. Le sourire et le « v » de la victoire d’Ismail Haniyeh, le « premier ministre » du Hamas, et de Khaled Mashaal, son chef de file.
2.143 morts civils pour l’extension de la zone de pêche sur la façade maritime de la Bande de Gaza ? Une « victoire » !?
Car c’est là le seul résultat tangible des accords signés au Caire par la délégation regroupant les principales formations palestiniennes (Fatah, Hamas et Djihad islamique, pour l’essentiel), auquel s’ajoutent la « réouverture » des points de passage entre Gaza et l’État d’Israël et l’autorisation de Tel-Aviv d’acheminer « rapidement » l’aide humanitaire qui fait cruellement défaut à ce territoire meurtri. C’est tout.
Certes, le Hamas parle de « clauses secrètes » imposées au gouvernement israélien. Bullshit…
Une bien piètre porte de sortie à la crise, qui devrait laisser les négociateurs du Hamas penauds et modestes, devant pareil désastre.
Pour « le reste », pour ce qui avait été les revendications « sine qua non » du Hamas, la levée du blocus, avant tout, la libération des prisonniers palestiniens, ensuite, et, bien sûr, l’ouverture d’un port de commerce et le rétablissement du trafic aérien entre Gaza et le Monde… Rien !
La puissance du feu israélien a eu raison des pétards mouillés du Hamas qui fanfaronne aujourd’hui pour cacher au mieux la gêne de sa débâcle. « On se battra jusqu’au bout, cette fois ! » Mais, pas plus qu’auparavant, pas plus qu’à chaque fois qu’Israël a frappé Gaza, le Hamas n’a pu faire valoir ses revendications.
À bout de souffle –à bout de sang-, Gaza s’est rendue ; le Hamas a accepté grâce. Un accord quasi identique à celui qu’il avait rejeté quelques semaines plus tôt, devant les mêmes négociateurs, dans ce même palais du Caire, en Égypte.
La population de Gaza n’est pas dupe, désormais soupçonneuse et circonspecte. Les militants du Hamas les plus zélés peuvent bien parader, ils n’entraînent plus grand monde derrière eux. D’où, peut-être, la nécessité de persécuter publiquement quelques dizaines de « collaborateurs », accusés d’avoir renseigné l’armée israélienne ; comme un avertissement à ceux qui, à Gaza, en auraient assez de la mainmise du Hamas.
Le seul vainqueur, ce n’est pas Israël, qui n’a qu’affaibli un peu plus encore son vieil ennemi ; gain somme toute bien malingre. Le seul vainqueur, c’est Mahmoud Abbas, le vieux renard de Ramallah, le leader du Fatah, accusé par les factieux du Hamas de collusion avec « l’ennemi sioniste » et détesté par la jeunesse idéaliste de Cisjordanie. À Gaza, il a gagné des points : l’accord de cessez-le-feu qui, au moins, a mis fin aux bombardements, c’est lui qui l’a obtenu, au Caire.
Les grands perdants, ce sont les Gazaouis. C’est cette mère de famille qui pleure, assise devant les ruines de sa maison. Qui sait ce qu’elle a « sacrifié » pour que le Hamas crie victoire ? Ses enfants ? Son époux ?
« Tout ce désastre, humain et matériel, qui revient absurdement chaque quelque temps, tous ces morts par milliers, ces blessés et invalides par dizaines de milliers, tout ce cataclysme, toute cette terreur… » a écrit sur son blog Ronald Barakat, notre correspondant au Liban ; tout ça pour les sourires dénués de vergogne d’Ismail Haniyeh, tout juste sorti de sa cachette, de son bunker, de ces abris dont la plupart des Gazaouis ne disposaient pas, et celui de Khaled Mashaal, depuis son confortable exil qatari.
La Hamas a perdu. Il a perdu la confiance des Gazaouis. Il a perdu ses parrains : l’Iran, que le Hamas a défié en soutenant la révolution syrienne ; l’Égypte, dont le nouveau dictateur s’accommode parfaitement d’une entente avec Israël ; le Qatar, qui a reçu cette semaine Mahmoud Abbas (le vent tourne…). Et il a perdu la manne des donateurs internationaux : pour reconstruire (une nouvelle fois) Gaza, l’argent ira à l’Autorité palestinienne, au Fatah, à Ramallah, à Mahmoud Abbas. Pas au Hamas.
« Bande de Gaza, bande d’islamistes, bande de sionistes, bande de fous. », a conclu notre ami libanais.
Et bande de salauds qui, de Washington à Bruxelles et de Bruxelles à Moscou, ont tous laissé se passer l’horreur des corps déchiquetés par les shrapnels, démontrant une fois encore le double jeu insupportable du droit international.
L’Humanité : six mille ans de barbarie.
1 Comment
Cher Pierre, je n’aurais pas pu faire un papier d’une telle facture! Merci de m’avoir mentionné.