Les médias sont en alerte quand Palestiniens et Israéliens s’affrontent dans la violence, mais pas une ligne quand des Palestiniens résistent pacifiquement à l’occupant. L’option pour la lutte non-violence est pourtant de plus en plus favorisée par le camp palestinien. De son côté, le gouvernement d’Israël redoute cette stratégie, car elle pourrait faire perdre toute « légitimité » à ses campagnes de « représailles » militaires…
Les récentes manifestations populaires contre la colonisation en Cisjordanie occupée et contre la confiscation des terres palestiniennes, lors desquelles le ministre palestinien Ziad Abou Ain a trouvé la mort (10 décembre 2014), comme les évacuations manu militari de tous les rassemblements pacifiques qui ont eu lieu dans plusieurs villages (des rassemblements organisés par des militants palestiniens aux abords du mur de l’apartheid et des colonies), montrent que la non-violence constitue toujours une stratégie efficace contre l’occupation israélienne.
L’aspect le plus important, dans ces événements, réside dans la détermination de ces militants, qui, malgré la brutalité des forces d’occupation, sont revenus à plusieurs reprises et par divers moyens sur les lieux évacués. Ils y ont non seulement accroché des drapeaux palestiniens, mais ils y ont surtout dressé des tentes. Ces actions sont restées non-violentes, malgré les assauts des forces israéliennes et les arrestations ; c’est un indice fort de la capacité et de la détermination de ces militants à se mobiliser en faveur d’actions pacifiques.
Ces manifestations s’ajoutent aux différentes actions organisées de façon régulière en Cisjordanie, devant le mur et sur des terrains confisquées par l’armée israélienne. Ces actions sont moins nombreuses dans la bande de Gaza, où elles se limitent à la zone tampon de sécurité imposée par l’armée israélienne dans le nord de la bande de Gaza.
Les médias -y compris les médias palestiniens- n’évoquent que très rarement ces actions non-violentes ; en outre, les partis et factions palestiniens, voire également les institutions palestiniennes, n’ont jamais soutenu ce genre d’actions.
Les médias ne s’intéressent pas à ce type de résistance, probablement pas assez spectaculaires.
Quant aux factions palestiniennes, elles sont divisées sur le choix de la forme que doit prendre la résistance, mais une résistance qui doit être armée, même si cette voie a montré son inefficacité, du fait du déséquilibre total entre les moyens militaires israéliens et les moyens dont disposent les militants palestiniens. Aussi, la résistance par la non-violence ne se développe qu’à la faveur d’initiatives citoyennes, d’engagements individuels, sans réelle stratégie, ni planification, ni organisation à long terme. Les actions non-violentes sont très ponctuelles et occasionnelles.
L’occupant israélien profite des maux qui gangrènent la résistance palestinienne : l’absence de perspectives, la division et le désespoir total qui s’installe progressivement. Imperturbablement, en revanche, la confiscation des terres et les installations de colonies israéliennes se poursuivent en Cisjordanie, ainsi que le blocus inhumain imposé depuis plus de sept ans à la population de Gaza.
Cette conjoncture persistante devrait générer une réflexion profonde de la part de toutes les organisations palestiniennes, afin de proposer une alternative aux moyens de lutte mis en œuvre jusqu’ici, celle de la non-violence.
La non-violence est pratiquée par les Palestiniens dans leur vie quotidienne, même si cette non-violence n’a pas de références philosophiques, historiques ou stratégiques. Elle est utilisée presque tous les jours par la population civile palestinienne et par les différents comités qui organisent des actions non-violentes. Il revient aux institutions de les promouvoir et d’en faire le moyen de lutte privilégié contre l’occupation des terres.
Les actions non-violentes dans les territoires palestiniens revêtent trois formes principales.
Résister sur la terre : en Cisjordanie, les paysans palestiniens sont toujours présents sur leurs terres et continuent de cultiver leurs champs, malgré toutes les mesures d’empêchement mises en œuvre par les forces d’occupation et les colons. Dans la bande de Gaza, les habitants préfèrent rester à côté des ruines de leurs maisons détruites et bombardées par l’armée israélienne plutôt que de partir et de quitter leur propriété.
Manifester pacifiquement : manifestations contre le mur de la honte en Cisjordanie, notamment dans les deux villages devenus célèbres de Biliin et Niliin. Ces manifestations regroupent des villageois palestiniens, des observateurs internationaux et quelques pacifistes israéliens. Des manifestations ont lieu également devant les maisons palestiniennes menacées de destruction par les forces d’occupation.
Boycotter les produits israéliens fabriqués dans des colonies illégales : ces actions sont les plus efficaces, car elles attirent de plus en plus d’ONG internationales et de pacifistes israéliens.
Les points faibles de ce mouvement non-violent palestinien sont, d’une part, le manque de coordination entre les différents groupes sur le terrain et, d’autre part, le fait que ces actions non-violentes sont insuffisamment mises en valeur, même au sein de la société palestinienne, et pratiquement privées de couverture médiatique. Par ailleurs, la stratégie israélienne vise à briser ce mouvement non-violent en poussant les jeunes, directement, par ses propres provocations, à répondre par des actions violentes.
La perception que la société palestinienne a de l’action non-violente est un autre défit pour le développement de ce type de résistance : contrairement à ce que la plupart des gens pensent, la non-violence constitue le choix le plus difficile et le plus efficace. Le plus difficile, parce qu’il exige des techniques de coordination, de coopération et une vraie détermination, sur le long terme, pour réellement gêner l’occupation. Le plus efficace, parce qu’Israël préfère la lutte armée, prétexte pour bombarder, attaquer, écraser les Palestiniens ; c’est bien le développement de la lutte non-violente du peuple palestinien qu’Israël redoute le plus pour son image.
La non-violence a aussi montré sa capacité à mobiliser l’opinion publique dans le monde et à la rendre solidaire des mouvements non-violents.
Cela signifie qu’il importe de mettre en lumière les actions non-violentes organisées en Palestine, afin que le monde entier sache que les Palestiniens sont conscients de ce concept civilisé, en tant que peuple occupé défendant sa terre, sa liberté et son indépendance.La communauté internationale aura alors le devoir de soutenir le mouvement de la non-violence en Palestine, pas seulement de le faire connaître, mais aussi et surtout de participer à cette action par le boycotte des produits israéliens, dans une campagne internationale citoyenne et institutionnelle.
Aujourd’hui, probablement un choix palestinien de la résistance par la non-violence, avec une stratégie efficace et bien définie, avec une mobilisation populaire et un soutien officiel, d’une part, et un boycott de l’extérieur, d’autre part, reste probablement la seule solution encore possible comme forme de résistance à l’occupation israélienne, afin de réaliser un jour les objectifs nationaux du peuple palestinien et ses espérances de vivre en liberté et en paix sur sa terre.