TERRITOIRES PALESTINIENS – L’année 2014 de la bande de Gaza, un bilan/rappel économique et social

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L’année 2014 dans la bande de Gaza a été marquée par le maintien du blocus israélien imposé de façon illégale par les forces d’occupation depuis plus de sept ans. Et plus encore par une nouvelle offensive militaire dans cette région isolée, en été, la troisième en cinq ans, et la plus meurtrière. Déjà oubliée des médias et de l’opinion publique internationale, Gaza ne parvient pas à se reconstruire et l’année 2015 s’annonce sous de terribles auspices.

Au niveau économique, la situation ne cesse de s’aggraver, conséquence dramatique du blocus israélien et de la dernière agression qui a provoqué une nouvelle augmentation du chômage et une élévation du niveau de pauvreté, résultat de l’impossibilité de construire une véritable économie dans la bande de Gaza, dans tous les secteurs.

L’attaque israélienne de l’été 2014 constituait une punition collective, à l’encontre de plus de 1,8 million d’habitants qui vivent dans la précarité depuis longtemps déjà.

La fermeture totale des passages commerciaux qui relient la bande de Gaza au monde extérieur depuis 2007 (ouverts très périodiquement et de manière arbitraire) a rendu l’économie gazaouie chaotique, sans aucune perspective de redressement : tous les secteurs économiques sont paralysés en permanence, en raison de l’arrêt régulier des projets en cours.

Les chiffres et statistiques que nous allons présenter ici datent de  novembre/décembre 2014 et ont été confirmés par diverse organisations internationales, telles que le Bureau des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), le Programme des Nations unies pour le Développement, la Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale du Travail, le Comité national de la Reconstruction de Gaza, le ministère palestinien de l’Économie et du Commerce et la Chambre de Commerce et d’Industrie de Gaza.

Les dégâts économiques provoqués par l’agression israélienne de juillet-août 2014  sont significatifs des objectifs poursuivis par Tel-Aviv :

Destruction de 20.000 logements, avec plus de 100.000 personnes sans-abris ; 120 usines détruites ; 3 banques visées ; 2 hôtels bombardés ; 60 bateaux de pêche coulés ; 600 petites et moyennes entreprises détruites totalement ; 30 fermes agricoles détruites ; 40 puits d’eau détruits ; des terres agricoles dévastées ; 300 sites industriels détruits.

Ces pertes ont aggravé la situation économique pour toute une population civile, mais ils ont aussi rendu les projets de reconstruction eux-mêmes très difficiles.

Les conséquences économiques de cette nouvelle offensive israélienne se traduisent ainsi par un recul des indicateurs de l’économie palestinienne, car l’économie de la bande de Gaza contribue pour 43% au PIB palestinien. Le pouvoir d’achat des Gazaouis s’est considérablement affaibli.

Cette situation a rendu l’économie palestinienne dépendante de l’aide internationale, mais aussi de l’économie israélienne. Gaza est passé d’une économie familiale non-violente à une économie dépendante d’Israël.

Ainsi, 30% de l’infrastructure civile de la bande de Gaza ont été détruits, sans aucune perspective de reconstruction immédiate. Les pertes financières directes ou indirectes dues à cette agression dépassent les 5 milliards d’euros.

C’est le secteur privé qui a été le plus touché, un secteur qui employait environ 90.000 personnes avant 2014 et qui représentait 45% du marché de travail dans la bande de Gaza. Du fait de la destruction  de 90% des usines et des entreprises privées et de l’interdiction d’entrée de matières premières pour tous les projets, plus de 700 installations industrielles sont actuellement fermées : la seule zone industrielle, qui se trouvait dans le nord de la bande de Gaza, est actuellement fermée, depuis juillet 2014, après la destruction de toutes ses usines. Le secteur privé emploie désormais  moins de 10.000 personnes. L’interdiction israélienne d’importer des matières premières accentue le processus de désindustrialisation de la bande de Gaza (dont les domaines phares sont le textile et le bois) et les pertes dans ce secteur, depuis juillet 2014, se chiffrent à une dizaine de millions d’euros mensuellement.

Le secteur agricole, qui employait 30.000 travailleurs, a également été touché.

Actuellement, seulement 4.500 personnes sont encore employées dans l’agriculture.

Ce secteur, outre de la destruction des terres agricoles et des infrastructures, souffre de l’interdiction israélienne permanente d’exporter les produits agricoles de Gaza (des produits et denrées fragiles, notamment les fraises, les tomates et les oranges) vers les marchés extérieurs. Mais la réduction des surfaces cultivables n’est pas négligeable dans la problématique : les espaces agricoles ont été progressivement ruinés par les incursions israéliennes successives dans les différentes régions de la bande de Gaza ; et la surface cultivée a diminué de 30%, rien qu’en 2014.

La décision israélienne d’étendre les zones tampons, dans le nord et dans le sud de la bande de Gaza, à un demi kilomètre de la frontière a participé à cette diminution du potentiel agricole de Gaza. De plus, un grand nombre d’animaux ont été tués dans les bombardements et le secteur de l’élevage a lui aussi été très durement touché (avec pour conséquence une augmentation des prix de la viande, puisque les importations sont elles aussi limitées par décision israélienne).

Les pertes qui résultent de l’interdiction par Israël d’exporter la production agricole vers l’étranger sont estimées à 70.000 euros par jour. Les pertes du secteur agricole, fin décembre 2014, dépassaient les 500 millions d’euros.

Conséquence très grave : nombre d’agriculteurs sont en train d’abandonner leurs terres, devenues déficitaires ; et ces terres sont alors irréversiblement envahies par des constructions et des bâtiments.

Avant 2014, les zones cultivées dans la bande de Gaza représentaient 150.000  mètres carrés. 40 % de ces zones agricoles, dont des vergers et des serres, ont été gravement affectées par la guerre et, selon le rapport de la Chambre du Commerce de Gaza, le coût de l’impact du conflit sur les moyens de subsistance des agriculteurs, qui doit être combiné à celui des mesures de nettoyage nécessaires (réhabilitation des sols et opérations de déminage), s’élève à environ 10 millions d’euros.

Le secteur de la pêche est lui aussi très durement touché par les attaques permanentes de la marine israélienne. Les pécheurs gazaouis ont interdiction d’outrepasser la ligne des 400 mètres dans les eaux territoriales de Gaza ; cette restriction des centaines d’indépendants qui vivaient de la pêche ont soit changé d’activité, soit travaillent au revenu minimum.

Globalement, le chômage a dès lors augmenté de manière spectaculaire : le taux de chômage a dépassé les 70%  de la population active en novembre 2014 ; et le phénomène le plus dangereux est la hausse du chômage chez les jeunes de moins de 30 ans, qui atteint désormais 83%. La dernière attaque israélienne, a elle seule, a grossi le nombre des sans-emplois de plus de 20.000 personnes.

La pauvreté s’est donc sensiblement accrue à Gaza, en 2014 : 60% de la population de Gaza vit aujourd’hui en-dessous de seuil de pauvreté. Le nombre de personnes qui dépendent des organisations humanitaires, selon le Bureau des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) dans la bande de Gaza, se chiffre à plus de 900.000 personnes ( !), qui ont bénéficié du programme de l’aide alimentaire géré par le Bureau ; depuis l’attaque israélienne de juillet, le programme a décidé d’élargir son action, pour porter secours aux citoyens et non plus seulement aux réfugiés.

Dans ce contexte, la question des passages commerciaux demeurent cruciale : actuellement, 150 à 200 camions seulement sont autorisés à entrer à Gaza quotidiennement, via le seul passage commercial ouvert (cinq jours par semaine), lequel se situe au sud de la bande de Gaza. Et 50% de ces camions sont affrétés par des organisations internationales dans le cadre de projets de (re)construction d’écoles et de stations d’alimentation en eau (un autre problème sensible à Gaza). De manière générale, moins de dix de ces transports seulement importent des matériaux de construction, y compris le ciment. Le passage est en outre régulièrement interrompu, sous n’importe quel prétexte, par décision israélienne, dans l’indifférence totale à l’égard des besoins énormes de la population civile.

La liste des produits et denrées que les autorités israéliennes ont établie, autorisés à être importés à Gaza, a été ramenée à 90 articles, au lieu des 750 articles qu’elle comportait avant le blocus commencé en 2007. De nombreux articles pharmaceutiques sont exclus de cette liste.

Selon les estimations des organisations internationales, la bande de Gaza aurait besoin d’importations quotidiennes équivalentes à 750 camions pour répondre aux besoins d’une population en augmentation permanente…

Autres problématiques d’envergure, l’électricité et, comme annoncé, l’eau.

La seule centrale électrique de Gaza a été bombardée lors de la dernière agression ; elle ne fonctionne plus aujourd’hui qu’à raison de 20% de sa capacité ; la conséquence est humanitaire, mais aussi industrielle : de ce fait, beaucoup d’usines sont fermées, à cause du manque de courant électrique.

L’eau : les dommages causés aux canalisations d’eau et aux stations d’assainissement ont été particulièrement importants (et significatifs, eux aussi, de la politique israélienne envers Gaza). En octobre 2014, plus de la moitié des Gazaouis (près d’un million de personnes) n’avaient plus aucun accès à l’eau courante.

Mentionnons enfin la question des tunnels « illégaux » que les Gazaouis avaient creusés dans les zones frontalières avec Israël pour tenter de survivre en contournant autant que faire se peut le blocus.

La destruction de 1.600 de ces tunnels, à la frontière avec l’Égypte notamment (pays dont le gouvernement militaire supporte ouvertement le gouvernement israélien et sa politique d’affaiblissement de la bande de Gaza) a sensiblement aggravé la situation économiques des Gazaouis, qui survivaient en grande partie grâce aux produits égyptiens les moins chers et les plus disponibles (sans oublier la diminution des activités des délégations internationales et des convois de solidarité qui empruntaient le passage de Rafah, ce qui a entraîné la diminution du soutien effectif direct à la population). Depuis juillet 2014, les Palestiniens de Gaza sont donc soumis aux seules importations de produits israéliens, dont les prix sont en outre très élevés.

Les conséquences de la dernière offensive israélienne sur Gaza sont sans appel ; elles obligent aussi beaucoup d’habitants qui tentent de reconstruire leur logement de tenter de récupérer des matériaux dans les zones tampons, dans le nord et le sud de la bande de Gaza, des zones dangereuses, contrôlées par l’armée israélienne qui n’hésite pas à ouvrir le feu (plusieurs personnes ont déjà trouvé la mort dans ce contexte, depuis le début de l’année 2015).

Quelles perspectives de reconstruction de Gaza après l’offensive ?

Aucun projet de reconstruction n’a réellement été entrepris depuis la fin de l’agression israélienne d’août dernier.

Quatre mois après la fin de l’offensive, le gouvernement israélien refuse toujours l’ouverture des passages et maintien son blocus sur Gaza ; les organisations internationales n’arrivent pas à faire pression sur ce gouvernement, laissant les Palestiniens de Gaza dans l’expectative.

Seulement 2% des 5,6 milliards de dollars promis lors de la Conférence pour la Reconstruction de la bande de Gaza qui s’est tenue les 4 et 5 octobre 2014 au Caire ont été débloqués. En outre, versés en partie directement à l’Autorité palestinienne ces fonds sont employés avec énormément de difficultés : l’Autorité palestinienne peine à mener des projets de reconstruction dans la bande de Gaza, non seulement à cause des mesures israéliennes, mais aussi des divergences politiques qui opposent les différents partis palestiniens. Quant aux organisations humanitaires qui ont reçu une partie de ces fonds, elles doivent pallier au plus pressant et se concentrent sur la distribution de l’aide alimentaire aux sans-abris, plutôt que de mettre en œuvre des projets de reconstruction des habitations détruites.

Le plan Siry (du nom du responsable des Nations unies à Gaza), qui a accepté l’entrée d’un nombre limité de camions chargés de ciment, par jour, à Gaza, sous contrôle israélien,  a donné une légitimité internationale au blocus israélien et à permis à Israël d’engranger des profits supplémentaires.

La division et les surcharges des fonctionnaires de deux gouvernements palestiniens, celui de Gaza (40.000 postes civils et militaires)  et celui de Ramallah (130.000, dont 70.000 à Gaza) ne fait qu’aggraver la situation économique.

Une autre raison de la détérioration de la situation économique dans les Territoires palestiniens en général et dans la bande de Gaza en particulier réside dans la politique d’étouffement menée par le gouvernement israélien, au niveau du blocage des avoirs qui appartiennent à l’Autorité palestinienne mais sont gérés par Israël.  Le gouvernement israélien doit en effet transférer 100 millions de dollars mensuellement à l’Autorité palestinienne ; il s’agit des taxes prélevées par Israël sur les importations et exportations palestiniens dans les ports et aéroports israéliens. C’est là une arme qu’Israël utilise régulièrement et chaque fois que des tensions apparaissent dans les relations israélo-palestiniennes, comme, par exemple, lorsque l’Autorité palestinienne a demandé au Conseil de Sécurité de l’ONU le vote d’une résolution mettant fin à l’occupation. Israël refuse ainsi de transférer ces fonds à l’Autorité palestinienne, qui se trouve dès lors incapable de payer les salaires des fonctionnaires.

Les conséquences de ce marasme économique sur la population montrent une fois de plus que le véritable objectif des offensives israéliennes est l’étranglement progressif de la résistance palestinienne, une politique de plusieurs décennies déjà qui s’accomplit dans le silence complice de la communauté internationale.

Les questions qui se posent à la fin : jusqu’à quand ce blocus israélien inhumain contre la population civile de la bande de Gaza ? Jusqu’à quand la souffrance des Palestiniens de Gaza ? Jusqu’à quand cette impunité d’Israël ? Et jusqu’à quand le silence international ? Et pourquoi ?

*     *     *

Je résiste sur les montagnes hautes de Naplouse

Je résiste dans la mer encerclée de Gaza

Je résiste au pied des collines occupées de Ramallah

Je résiste sur la terre sacrée de Jérusalem

Je résiste sur la terre sainte de Bethléhem

Je résiste en Palestine et pour la Palestine.

 

Aux côtés des oliviers menacés de Jenin, je résiste !

Sur ma terre confisquée à Hébron, je résiste !

Près des rares orangeraies de Java, je résiste !

Prés des dattiers mûrs de Jéricho, je résiste !

 

Contre les colons illégaux, je résiste !

Contre les soldats agresseurs, je résiste !

Contre l’impunité des oppresseurs, je résiste !

Contre la terrible violence  des occupants, je résiste !

Face à un usurpateur arrogant, je résiste !

Malgré le silence assourdissant

Et malgré l’hypocrisie latente, je résiste!

En dépit de l’injustice, je résiste !

Je résiste pour la paix et je résiste en paix !

 

Par ma lutte pacifique, je résiste !

Par ma présence riche en  humanité, je résiste !

Par une poésie engagée qui creuse son sillon, je résiste !

 

Avec la force de mon droit, je résiste !

Avec ma plume et mes vers, je résiste !

Avec mon existence sur ma terre, je résiste !

Avec ma persévérance et ma foi, je résiste !

Avec ma glaise d’amour et de tolérance, je résiste !

Avec l’arme indestructible de mon espoir, je résiste !

 

Pour une graine d’espérance,  je résiste !

Pour une nuit magique, toujours lumineuse, je résiste !

Pour le courage de la mère d’un martyr qui sait pardonner, je résiste !

Pour le retour d’un réfugié, je résiste !

Pour une cause juste et noble, je résiste !

Pour créer de nouveaux horizons d’espérance, je résiste !

Pour que nos arbres grandissent où vivent leurs racines, je résiste !

Pour en finir avec le nuage de l’horreur qui planait sur la Palestine, je résiste !

 

Puisque  ma patience est un génie, je résiste !

Puisque je suis soutenu par la bravoure des solidaires, je résiste !

Puisque mon sourire est plus puissant que leurs armes, je résiste !

Puisque les épées de la victoire brillent dans mes yeux, je résiste !

Puisque je suis attaché à la vie, je résiste !

 

Pour arrêter la machine infernale de cette occupation

Qui continue de fustiger inlassablement, je résiste !

Pour allumer sans éclipse la lumière de notre avenir, je résiste !

Pour guérir les blessures et la douleur des années noires, je résiste !

Pour rendre leur  sourire à  nos enfants traumatisés, je résiste !

Pour effacer le désespoir de nos jeunes enfermés, je résiste !

Pour arrêter le génocide et les crimes arbitraires contre mon peuple, je résiste !

Pour la reconnaissance de nos droits légitimes, je résiste !

Pour que mon cri légitime contre l’injustice soit entendu, je résiste !

Pour un monde plus humain et plus humaniste, je résiste !

 

Dans la dignité, je résiste !

Loin de la haine, je résiste !

Pour l’humanité, je résiste !

Pour la vie et la paix, je résiste !

 

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About Author

Ziad Medoukh

Directeur du Département de langue française à l'Université Al-Aqsa de Gaza (Territoires Autonomes Palestiniens)

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