Trois mois après la fin de la nouvelle agression israélienne contre la bande de Gaza, en juillet-août 2014, après plus de 2.200 morts et 11.000 blessés, des civils, des enfants en majorité, après la destruction massive de l’infrastructure civile, des maisons, des écoles, des universités, des usines, la situation reste désespérée, sur le plan humanitaire surtout, pour plus de 1,8 million de Gazaouis, toujours enfermés, malgré la mobilisation mondiale contre les crimes israéliens et malgré les promesses internationales d’une reconstruction rapide.
La vie reprend lentement, dans les rues de Gaza, dont l’état témoigne de la barbarie de l’armée israélienne pendant les cinquante jours que dura la dernière offensive militaire contre la population civile.
Partout à Gaza, on trouve les ruines des maisons, des immeubles, des mosquées, des écoles, des stades, des usines, des bâtiments détruits, visés par les bombardements israéliens.
Les habitants de Gaza essaient de montrer leur capacité à dépasser ces moments difficiles, en recouvrant une vie plus ou moins normale ; mais, sur leurs visages, on lit la tristesse, l’inquiétude d’une population qui vit toujours sous blocus et qui est toujours enfermée dans une prison à ciel ouvert.
Les écoles, les universités, les commerces, les institutions et les marchés reprennent leurs activités, mais conservent les souvenirs et les images, les stigmates de la dernière attaque israélienne. C’est très difficile, pour tous ces gens, d’oublier leurs morts, leurs blessés, leurs maisons et leurs écoles détruites. Les images des bombes, missiles et chars israéliens reviennent toujours, dans la mémoire.
Aujourd’hui, parmi les 100.000 personnes qui ont perdu tous leurs biens, plus de 70.000 vivent loin de leur ancienne maison ; elles résident dans dix-huit écoles de l’UNRWA et plusieurs centres d’accueil provisoires, en attendant l’autorisation du gouvernement d’Israël, préalable à l’entrée dans Gaza des matériaux nécessaires à la reconstruction.
10.000 personnes ont loué des appartements et plus de 20.000, les plus démunies, ont décidé de camper dans des ruines de leur demeure : elles ont réaménagé quelques chambres, ou bien elles vivent sous des tentes, à proximité des murs délabrés, dans des conditions très difficiles, dont l’hiver qui arrive accentuera encore l’amertume.
Trois mois après, rien ne semble différent pour les Palestiniens de Gaza, toujours à la recherche d’une solution politique -et pas seulement humanitaire.
Le blocus dure depuis plus de sept ans, les passages et les frontières avec l’extérieur sont souvent fermés par ordre militaire israélien et les denrées alimentaires et autres marchandises qui autorisées à entrer dans Gaza sont rares.
Les autorités israéliennes ouvrent le seul passage commercial qui relie la bande de Gaza à l’extérieur deux ou trois fois par semaine, pour permettre l’entrée de deux cents camions et de quelques convois humanitaires. Cinq ou six de ces camions, seulement, transportent des matériaux de construction, souvent destinés aux projets internationaux. Ce passage se referme sous n’importe quel prétexte, par décision israélienne, sans que soient pris en considération les besoins énormes de la population civile.
Chaque foyer de Gaza n’avait droit qu’à six heures d’électricité par jour, car la seule centrale électrique (qui a été détruite en juillet dernier) ne fonctionnait pas en permanence, par manque de carburant ; on imagine sans peine, en particulier, les conséquences dramatiques pour les hôpitaux et les centres médicaux.
L’armée israélienne viole presque tous les jours l’accord du cessez le feu ; elle ne respecte pas la trêve. Souvent, les chars israéliens mènent des incursions dans la bande de Gaza ; les soldats israéliens contrôlent toujours les zones tampons aux frontières et tirent sur les paysans. La marine israélienne empêche l’extension de la zone de pêche et tire sur les bateaux palestiniens. Malgré la retenue dont font preuve les factions armées de Gaza, l’armée d’occupation israélienne poursuit ses provocations, et pas seulement dans la bande de Gaza, mais en Cisjordanie également, où, depuis la fin de l’offensive sur Gaza, des dizaines de Palestiniens ont encore été tués ou blessés, par balles, à Jérusalem notamment.
Ces provocations israéliennes sont le signe d’une volonté de relancer le conflit. Les Palestiniens de Gaza craignent dès lors la reprise des attaques israéliennes, qui pourraient survenir à n’importe quel moment et sous n’importe quel prétexte, car la communauté internationale, qui a observé un silence complice durant l’offensive israélienne, n’exerce pas de réelles pressions sur le gouvernement de Tel-Aviv afin qu’il lève le blocus.
Rappelons –c’est pertinent et nécessaire- qu’Israël reste impuni : la communauté internationale n’a décrété aucune sanction pour répondre aux trois offensives sanglantes qui se sont succédées durant ces cinq dernières années.
Les habitants de Gaza, épuisés, ont peur pour leurs enfants et leur avenir. Ils espèrent le début rapide des projets de reconstruction, notamment après les promesses internationales tenues lors de la conférence internationale sur la reconstruction de la Bande de Gaza au Caire, en octobre 2014.
S’ajoutent à tout cela, les tensions qui opposent les différents partis et mouvements palestiniens. Malgré la création du gouvernement d’union nationale dans les Territoires palestiniens autonomes, en mai 2014, et malgré la solidarité interne et les signes d’union tout au long de l’offensive israélienne, des points de divergence continuent de miner l’entente de ces partis et pourraient grever la réconciliation palestinienne, et retarder les projets de reconstruction de Gaza.
Le seul signe d’espoir pour les Palestiniens de Gaza, comme pour tous les Palestiniens de Cisjordanie et de l’extérieur (les réfugiés, les exilés), c’est l’éducation.
Malgré la destruction de plus de trente-deux établissements et tandis que plus de cent vingt écoles et cinq universités ont été bombardées, les élèves, les étudiants et leurs professeurs continuent de participer à la vie scolaire, en dépit de toutes les pertes et de toutes les conséquences économiques, sociales et psychologiques. Plusieurs cours sont donnés dans les ruines des écoles touchées par les bombardements israéliens, ou sous des tentes. Les élèves qui viennent en classe rendent hommage à leurs amis morts et blessés pendant la guerre, mais ils continuent à lire et à écrire l’espoir, l’amour et l’avenir. Ils montrent leur capacité à construire cet avenir avant de reconstruire leurs écoles et leurs classes.
À l’université, les jeunes étudiants continuent d’étudier, même dans des classes détruites par les bombardements israéliens. L’éducation est un élément sacré en Palestine. Les familles encouragent leurs enfants à avoir des diplômes supérieurs. Même si, avec le chômage et les difficultés économiques, il est difficile de trouver un travail à la fin des études. L’éducation fait partie de la résistance par la non violence, une résistance populaire, qui montre la capacité du peuple palestinien à défier la situation actuelle et à affronter toutes les mesures de l’occupation qui essaient de priver les Palestiniens de leurs droits fondamentaux.
Les habitants de Gaza espéraient que leur sacrifice pendant la dernière agression israélienne, leur patience exemplaire, leur volonté remarquable, leur résistance acharnée contre la barbarie de l’armée israélienne, ainsi que, et surtout, la mobilisation internationale et les manifestations populaires, partout dans le monde, changeraient quelque chose pour eux : levée du blocus, ouverture des passages et des frontières qui relient la bande de Gaza à l’extérieur, jugement des criminels israéliens…
Malheureusement, rien n’a changé.
Pour les Palestiniens de Gaza, confiants et déterminés, il ne reste qu’une alternative : résister sur leur terre, demeurer à côté des ruines de leurs maisons détruites, avec leur seul courage.
Espérer encore, qu’un jour tout sera différent ; espérer une solution politique, qui leur permettra de vivre libres à Gaza, de vivre libres en Palestine.