ARAB WORLD MAPS – Situation militaire et enjeux dans le désert syrien

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Alors que l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre les rebelles et le gouvernement syrien a permis aux fronts du nord-ouest de la Syrie (Lattaquié et Alep en particulier) de connaitre une relative accalmie, l’attention s’est tournée durant ce mois de mars 2016 vers le désert syrien, dans le sud du pays et à l’est de Damas, où rebelles et loyalistes ont attaqué l’État islamique (EI) sur plusieurs fronts et ont regagné du terrain sur les djihadistes.

Syrian desert 27 March 2016

L’armée loyaliste s’est fortement engagée dans les régions de Qaryatayn et de Palmyre, redéployant des troupes en provenance des fronts du nord-ouest.

Qaryatayn est une ville-oasis arabo-chrétienne située au nord-est des monts Qalamoun, et commandant l’accès au désert à l’ouest et au sud de Palmyre. Elle avait été conquise en août 2015 par les djihadiste de l’EI, qui y avaient immédiatement détruit le monastère chrétien de Mar Elian, fondé au VIème siècle.

Depuis cette ville, l’EI contrôle la région orientale des monts Qalamoun, et menace régulièrement les villes de Mahin et Sadad, plus à l’ouest, ce qui constitue un danger permanent pour l’axe Damas–Homs, essentiel pour le régime. Les loyalistes ont engagé des moyens accrus, à compter de la mi-mars, en tentant de progresser notamment au sud-ouest de Qaryatayn, dans les montagnes qui en commandent l’accès. La conquête de cette ville leur permettrait de déverrouiller l’axe sud du désert syrien.

Plus au nord, l’armée de Bachar al-Assad contrôle la route reliant Homs et Palmyre, qui lui permet d’accéder à sa base militaire de Tiyas, ainsi qu’aux champs gaziers de Jazal et de Sha’ir. Les loyalistes ont accru leurs opérations militaires à partir de la mi-mars dans cette zone également, appuyés par l’aviation syrienne renforcée d’effectifs russes et par des unités du Hezbollah libanais. Après cinq jours d’une bataille féroce et de bombardements intensifs, l’EI s’est retiré des dernières positions tenues dans la ville au matin du 27 mars.

Le contrôle de la ville de Palmyre permet la sécurisation des champs gaziers déjà sous contrôle du gouvernement, ainsi que l’accès aux champs situés à l’est de la ville. Il permet en outre au gouvernement syrien de se rapprocher de la ville assiégée de Deir ez-Zor, où l’EI mène actuellement une offensive et où la population survit dans des conditions difficiles.

Une autre évolution militaire majeure a eu lieu à l’est de Damas et des monts Qalamoun, et jusqu’à la frontière irakienne, où une coalition de brigades rebelles (Quwat al-Shahid Ahmed Abdo, New Syrian Army, Usudash-Sharqiya) soutenue par les États-Unis a démarré une offensive début mars 2016 pour prendre le contrôle de la zone comprise entre les monts Qalamoun de l’est (où ils tiennent les villes de Dumayr, Ruhaybah et Jayroud) et la frontière irakienne.

Les rebelles ont annoncé la prise du poste de contrôle frontalier de Tanf, le 4 mars ; mais des nouvelles contradictoires ont été diffusées depuis cette date concernant la zone, l’EI diffusant notamment une vidéo du poste frontière, le 7 mars. En fait, la zone de la frontière est soumise à des attaques régulières de l’EI, qui tiennent fermement leurs positions en Irak, depuis le poste frontalier de « Al Walid ». Une situation qui a conduit les États-Unis à procéder pour la première fois dans le conflit à des tirs d’artillerie mobilisant le système HIMARS, depuis la Jordanie, ce qui a pour conséquence l’implication directe de ce pays dans le conflit face aux djihadistes.

Le contrôle de la route frontalière permet aux rebelles de couper un axe d’approvisionnement vital de l’EI, et de se positionner pour progresser dans le désert, vers l’est et le gouvernorat de Deir ez-Zor, dont sont originaires une partie de leurs combattants.

Depuis la mi-mars 2016, on assiste donc à une reconfiguration des fronts dans le désert syrien qui accroît considérablement la pression sur l’État islamique, tant de la part de l’armée gouvernementale que de la coalition rebelle soutenue par les États-Unis.

Washington a également accru son implication en Syrie, espérant par le soutien apporté aux rebelles ouvrir un front supplémentaire contre l’EI, déjà en difficulté au nord face aux kurdes, dans le gouvernorat d’Alep face aux loyalistes, et en Irak face à l’armée irakienne et aux Peshmergas kurdes.

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Emmanuel Pène

Cartographer, Historian and Economist, Founder of the website agathocledesyracuse.com Director of Consulting Services

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