MONDE BEDOUIN – Du métier de berger bédouin… et quelques réflexions sur l’Islam et la femme

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Parler religion avec un bédouin gardant ses moutons est toujours d’un précieux enseignement, particulièrement en Syrie…

Quand on exerce le même métier que celui du Prophète, dans le même désert et dans les mêmes conditions que ce dernier (ou à peu près), on a, en matière d’Islam, autant de certitudes que d’absence de chose à prouver.

En plus, si la pression sociale est quand même un peu là, elle est beaucoup moins forte qu’en ville.

On pourrait donc quasiment affirmer, même si ce serait réducteur, que le bédouin est tolérant parce qu’il n’est pas en danger.

Son empathie avec le quotidien du Prophète est si prégnante, qu’il n’éprouve guère le besoin d’en parler pendant les heures de retrouvailles avec des amis sous la tente, ou de se quereller sur le sujet avec qui que ce soit.

C’est un point qu’il est essentiel de souligner, étant donné les événements qui meurtrissent aujourd’hui le Moyen-Orient.

En effet, concernant l’Irak, on parle à tout va de « tribus bédouines sunnites », pour définir l’État islamique. Mais il est très clair que, si -et seulement si- les forces de l’EI se composent, pour partie, de cette population, le comportement odieux des djihadistes et les menaces monstrueuses qu’ils profèrent ne peuvent être que la triste réponse à une injustice persistante.

Tout d’abord, les Bédouins n’ont jamais eu aucune hostilité à l’encontre des Chrétiens car, de fait, ils ne partagent aucun « terrain commun ». Et quand ils en ont, par exemple dans le cas des monastères du désert, comme celui de Mar Moussa (Damas – refondé par le Père Paolo Dal’Oglio, disparu il y a un an à ar-Raqqa), le respect mutuel y a toujours prévalu. C’est la règle d’or. Nombre de bédouins sunnites ont travaillé pour ce monastère. J’ai moi-même passé là-bas plusieurs nuits, avec mon époux bédouin et ses frères ; et l’accueil s’est fait comme une évidence, d’un côté comme de l’autre.

Il m’est impossible d’imaginer que le tourbillon de violence dans lequel l’Irak semble emporté ces derniers mois, soit le fait des bédouins. Mais, si j’étais dans l’erreur, fût-ce partiellement, cela ne pourrait s’expliquer que par la manière dont les bédouins sunnites ont été traités par les leaders installés par les États-Unis dans ce pays. Une vengeance longuement mûrie par une injustice patente et répétée.

D’un point de vue religieux, les Bédouins n’ont aucune nécessité à l’ostentation : les femmes sont voilées, mais de façon fort simple ; un visiteur non musulman peut manger en paix, en journée, durant le mois du Ramadan ; et les hommes sont beaucoup plus machos que militants religieux… Jamais on ne verra, dans le désert, de burqa ou de femme portant un voile sur le visage. Ça, c’est un fait urbain… ou saoudien… mais pas bédouin.

Jamais les Bédouins ne prétendront que c’est au nom de l’Islam qu’ils sont parfois si dominateurs dans les comportements envers les femmes. On peut prendre comme exemple les crimes d’honneur, cette épouvantable pratique qui consiste pour un frère ou un oncle à aller tuer une femme, au motif seul qu’elle « aurait salit » ou « pourrait salir » l’honneur de la famille. Horreur que l’on voit encore trop souvent en Jordanie, en Syrie et en Irak ; et accompagnée d’une dramatique habitude d’impunité.

L’Islam n’a rien à voir avec cela ; et les Bédouins m’ont toujours expliqué, très calmement, que c’était « une habitude tribale » ; mais sans jamais mélanger cela avec leur religion.

Ce n’est pas qu’ils en soient fiers, s’abritant plutôt derrière la fameuse excuse « des mœurs difficiles à changer »… Mais une chose est sûre : face à ces pratiques, l’Islam prend toujours la défense des femmes et se pose en médiateur entre la culture bédouine et le non-sens religieux absolu de l’acte.

Pour le redire autrement, autant j’ai observé que la culture bédouine peut être violente et déconcertante par moment, autant l’Islam, tel que vécu par les Bédouins, est une identité si ancrée, si solide et si évidente, qu’il est facteur d’apaisement et vecteur d’ouverture pour les femmes et les mœurs.

Ce sont d’ailleurs les Bédouines, les plus assidues religieusement ; elles qui diffusent auprès de leurs consœurs des enseignements islamiques menant à l’émancipation.

Un fait bien éloigné de la triste image dont souffre souvent l’Islam aux yeux des occidentaux…

Mais tant de choses sont erronées dans les certitudes construites en Occident, que la route des compréhensions sera longue à parcourir, de toute façon.

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Adeline Chenon Ramlat

Journaliste (Spécialiste des tribus bédouines du Proche-Orient)

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