GAZA – Dégât collatéral de l’ordre mondial, entre axes et rapports de force…

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Avec les conflits en apparence superposés du monde arabe (cumulés d’ailleurs avec les tensions en Ukraine et dans la mer de Chine ou l’Océan indien), nous semblons nous trouver dans un tel imbroglio qu’une chatte pourrait ne pas y retrouver ses petits, si nous n’avions pas la possibilité de trouver quelques bons vieux fils conducteurs…

La guerre de Gaza, qui semble d’ailleurs aussi être une partie de la guerre du gaz, doit nous faire réfléchir sur le fait que ceux qui ont vraiment aidé la résistance gazaoui, ce sont en finale le Hezbollah, l’Iran et la Syrie d’al-Assad, alors même que la force dominante à Gaza, c’est le Hamas dont la direction, mais semble-t-il pas ou pas autant les chefs de son aile militaire, avait pris parti contre le gouvernement al-Assad depuis 2011.

Alors que ceux qui ont soutenu la « révolution » en Libye, aujourd’hui « libérée » comme on sait, et en Syrie (« libérée » comme on sait… du moins pour sa partie nord et nord-est, à laquelle vient de se joindre l’Irak-ouest) soit soutiennent objectivement Tel-Aviv, comme c’est le cas de l’Arabie saoudite et de beaucoup d’autres États arabes, soit, comme la Turquie, continuent leur coopération militaire et ont permis aux vols d’El-Al à partir d’Istanbul de doubler leurs rotations pour acheminer plus rapidement les réservistes israéliens qui allaient attaquer Gaza.

Ce qui n’empêchait pas Ankara, comme le Qatar, de dénoncer verbalement les agressions militaires du gouvernement Netanyahou. Mais les peuples arabes devront bien en finale poser la question : combien de paroles sans actes et combien de missiles le Qatar et la Turquie ont-ils donné aux Gazaouis pour se défendre dans le récent conflit, face aux forces du blocus, des arrestations de masse, de l’humiliation systématique et des attentats répétés contre les dirigeants politiques palestiniens indépendants ?

Bref, derrière les émotions et les répressions des uns ou des autres, les notions de base un temps oubliées ou considérées comme archaïques, comme impérialisme, anti-impérialisme, rapports de force, rapports de classe, idéologie/religion progressiste, idéologie/religion réactionnaire, etc., reviennent en mémoire. Ce qui explique, au Moyen-Orient, que ceux que l’on a abusivement classés en tant qu’ « Axe chiite » se dénomment eux-mêmes « Axe de la Résistance », dénomination à laquelle les combattants de Gaza, sunnites ou laïcs pour la plupart et même chrétiens, viennent d’apporter une certaine légitimité.

Le combat entre le bien et le mal n’est donc pas celui entre le « gentil » et le « méchant » à la sauce compassionnelle hollywoodienne, mais celui qui s’appuie sur les classes populaires rassemblées, éduquées et dotées d’un sentiment patriotique, ce que l’on appelait autrefois le « prolétariat conscient », et celui qui s’appuie sur les classes populaires émiettées et abruties par les puissants, et que l’on appelait autrefois le « lumpenprolétariat ». Couche sociale qui prolifère en ces temps de crise, de précarisation, de « flexibilité » et de désindustrialisation dans les banlieues d’Occident et des pays arabes en mal-développement, et dépendant donc des subsides provenant des économies pétromonarchiques rentières. Lesquelles financent le recrutement de jeunes desperados peu éduqués, mais remplis de haine, pour une part compréhensible, car habitant ces foyers de rébellion potentielle et que les pétromonarchies et la Turquie « otanienne » envoient combattre l’axe de la résistance, sans jamais penser les diriger vers la Palestine ou le Golan, pourtant toujours à libérer.

 Chaque « moukhabarat » [ndlr : agent des services secrets] étant bien là pour commettre des violences contre ses ennemis réels ou supposés, on ne devrait pas s’étonner que, en Syrie mais aussi aux USA, en Iran mais aussi en Israël, en Arabie saoudite et aussi en Colombie, en Papouasie-Nouvelle Guinée et aussi en France, ils font le boulot pour lequel ils ont été créés, leur degré de brutalité ne dépendant non pas tant des aptitudes de leurs membres à la bonté, mais variant surtout en fonction du degré de violence et de pauvreté qui touche chaque société, à tous ses niveaux. C’est évidemment bien plus violent encore dans les services de sécurisation des entités non-étatiques ou paraétatiques, par principe sans lois et sans aucun contrôle.

Tout cela replace la violence, toutes les violences, de répression, de réaction et de situation, dans son contexte réel, celui des rapports internationaux, politiques, militaires, idéologiques, religieux, culturels, mais surtout économiques et sociaux.

Répressions et exécutions sont parfois directement commises par les uns ou par les autres, parfois par drones ou par assassinats extrajudiciaires interposés. Ce en quoi excellent les puissances « civilisées » et donneuses de leçons de morale.

Lesquelles s’effaroucheront néanmoins ensuite lorsque, en retour, elles constatent qu’elles ont enclenché une spirale de violences qu’elles ne maîtrisent plus ou provoqué des réactions de haine qu’elles qualifieront volontiers de barbares ou de rétrogrades.

Répressions qui fonctionnent donc toutes selon la vieille logique du rapport de force oubliée depuis qu’on nous avait annoncé la « fin de l’histoire »… dans « le meilleur des mondes », dans lequel nous vivons tous. Un monde plutôt orwellien en fait : la fable des droits de l’homme fut belle, mais elle s’est effondrée ; l’archipel des prisons secrètes de la CIA et des plus de 800 bases de l’US army à travers tous les continents étant là pour nous rappeler à une méga réalité par rapport à laquelle les petits dictateurs d’ici ou de là-bas ne sont en finale que des amateurs, parfois eux-mêmes au service du méga tyran mondialisé, parfois rebelles, et alors dénoncés comme « nouvel Hitler » des temps (post-)modernes…

De fait, c’est aujourd’hui « l’axe USraël » qui est le plus armé, le plus fragilisé économiquement aussi, à cause de la domination en son sein de l’économie casino, et qui est donc à l’origine de la plupart des guerres et occupations.

Ce qui entraîne, par le fait même, le constat qui devrait être évident, que c’est lui qui menace donc le plus directement la stabilité, la paix et le progrès de l’Humanité.

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Bruno Drweski

Historien et Politologue - Maître de Conférences à l'Institut national des Langues et Civilisations orientales (Paris - France)

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