PALESTINE – À Gaza, l’armée israélienne a tué la saison des sardines !

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La multiplication des agressions militaires israéliennes contre les civils de Gaza, agressions qui ont causé la mort de six personnes depuis le début de l’année 2015, témoigne de la pérennité de la politique d’occupation. Ces agressions visent les habitants de Gaza qui  manifestent, pacifiquement, devant les zones tampons imposées par l’armée israélienne, mais aussi les paysans ou les ouvriers qui travaillent sur leurs terres situées dans les régions frontalières, et, quelque fois, les pêcheurs.

Ces attaques contre des civils surviennent en pleine trêve signée entre l’armée israélienne et les factions de Gaza, en août 2014, après l’attaque sanglante de cinquante jours contre cette région sous blocus.

L’armée israélienne viole presque tous les jours l’accord du cessez le feu, ne respectant pas la trêve. Régulièrement, les chars israéliens mènent des incursions dans la bande de Gaza, les soldats contrôlent toujours les zones tampons aux frontières et tirent sur les paysans. La marine israélienne empêche l’extension de la zone de pêche et attaque les pêcheurs palestiniens et leurs bateaux. Sans oublier les raids et les bombardements.

Israël –on ne le répètera jamais assez- ne s’est pas retiré de la bande de Gaza, mais a seulement évacué les colons et a abandonné les dix-huit colonies qui s’y trouvaient. Le contrôle des espaces aérien et maritime et celui des frontières reste du ressort  de l’armée israélienne qui peut mener des incursions à n’importe quel moment et jusqu’à deux kilomètres à l’intérieur des frontières. L’armée  a ainsi créé cinq zones tampon : à Jabalya, dans le nord de la Bande de Gaza ; à l’est de la ville de Gaza, au centre ; à Rafah et Khan-Younis, dans le sud. Les Palestiniens ne sont pas autorisés à circuler dans ces zones, ni même à s’en approcher ; la consigne reçue par les soldats israéliens est d’ouvrir le feu, non  seulement sur les manifestants, mais aussi sur les agriculteurs qui cultivent les parcelles voisines de ces zones tampon et s’en approcheraient trop.

L’armée israélienne contrôle les frontières et donc les points de passage ; actuellement, un seul passage commercial est ouvert, qui permet l’entrée quotidienne de 230 camions (pour approvisionner deux millions de Palestiniens), et un seul passage humanitaire, réservé aux personnes malades et aux personnels des organisations internationales qui se déplacent entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza. Ces deux passages peuvent être fermés à tout moment, et ils le sont souvent, empêchant l’entrée des matériaux de construction, ce qui retarde les projets de la reconstruction, dont peu ont abouti, presque un an après la dernière offensive militaire israélienne qui a eu lieu durant l’été 2014.

Par cette politique, Israël vise à briser la résilience de la population palestinienne, qui existe malgré le blocus et les difficultés économiques ; et qui résiste. C’est dans la Bande de Gaza, en 1969-1970, qu’eurent lieu les premières actions militaires contre les soldats israéliens qui avaient occupé cette région au terme de la guerre israélo-arabe de 1967. Une population qui reconstruit chaque fois que possible ce que l’armée a détruit, qui continue à envoyer ses enfants à l’école, qui s’attache à la vie en dépit de trois guerres menées en cinq ans contre cette prison à ciel ouvert. C’est pour cette raison que la majorité des attaques militaires israéliennes vise les infrastructures civiles, comme la seule centrale électrique de la Bande de Gaza, les maisons, les usines, les terres agricoles ; les civils, paysans et pêcheurs, se trouvent souvent en première ligne.

L’objectif de ces agressions à répétition est aussi de provoquer les factions armées, qui ripostent en lançant des roquettes contre les localités israéliennes proches. Ces tirs, plus symboliques qu’efficaces et qui ne font aucun dégât sérieux, sont ensuite exploités par le gouvernement israélien pour justifier sa politique militaire. Et tenter de mettre fin au boycott des produits israéliens, qui s’accélère partout dans le monde : Israël cherche à sortir de son isolement en démontrant qu’elle est la victime du conflit –puisque, en Cisjordanie, le calme règne, avec l’implication de l’Autorité palestinienne dans un processus de paix en plein échec, l’armée israélienne se tourne vers Gaza, pour convaincre les instances internationales que cette région est dangereuse pour la sécurité d’Israël.

Cette politique a aussi l’avantage, pour Israël, de décourager le développement de la résistance non-violente dans la bande de Gaza : Israël s’est toujours méfié des actions non-violentes et veut que l’image de Gaza reste celle d’une région armée dont les habitants sont tous membres de factions militaires.

Faire porter l’accusation de l’échec du processus de paix sur les Palestiniens permet ainsi au gouvernement israélien et à ses composantes d’extrême-droite d’échapper aux critiques, en faisant passer au second plan sa politique coloniale et son refus d’appliquer les résolutions internationales.

Le silence international encourage l’État israélien dans cette voie ; un silence ahurissant, qui a recouvert les cadavres des 2.200 civils assassinés en juillet et août 2014 –le constat est sans appel.

Parmi les secteurs les plus touchés par les attaques israéliennes, celui de la pêche connaît une dégradation permanente.

PALESTINE C(Gaza) - Juin 2015 - Ziad MEDOUKH'Les attaques de la marine de guerre israélienne ont en effet causé la mort de plusieurs pêcheurs ; d’autres ont été sévèrement blessés (deux morts, depuis le début de l’année 2015 et une quinzaine de blessés). Une soixantaine de pêcheurs sont actuellement emprisonnés par les forces israéliennes ; depuis janvier 2015, plus d’une vingtaine de barques et bateaux de pêche ont été confisqués et sept ont été détruits.

La saison des sardines à Gaza est mort-née, cette année.

Alors qu’a débuté de  la saison de la pêche, qui s’étend sur les mois de mai et juin, on voit les pêcheurs rassemblés sur la plage, leurs filets désespérément vides, qui attendent d’obtenir l’autorisation de travailler.

La pêche à la sardine est la plus importante pour les pêcheurs gazaouis ; le produit de cette pêche particulière constitue en effet leur principale source de revenu. Mais, cette année, la marine israélienne, continuellement présente dans les eaux territoriales de Gaza, a empêché les barques de prendre la mer, provoquant la faillite de plusieurs patrons-pêcheurs.

Réputées pour leur qualité, les sardines de Gaza, dont le prix au kilo dépasse les 7 à 8 euros, assuraient la survie de nombreuses familles. Pour 2015, les manœuvres israéliennes et l’interdiction de pêche ont déjà fait chuter la production (toutes espèces confondus) de plus de 800 tonnes ; les pertes économiques dépassent mensuellement un million d’euros.

Gaza est la seule ville méditerranéenne dont la population se retrouve ainsi privée de poissons.

Nizar Ayache, le responsable du syndicat des pêcheurs de Gaza, attire aussi l’attention sur le fait que la surface de pêche autorisée par les Israéliens rétrécit d’année en année ; elle s’étend désormais sur moins de quatre miles nautiques, c’est-à-dire à la zone côtière, peu profonde et pauvre en poissons. Pour que la pêche soit rentable, les barques devraient pouvoir s’éloigner des plages de dix miles nautiques (avant la deuxième Intifada, en 2000, la zone de pêche s’étendait à 12 miles).

Des 10.000 travailleurs qui vivaient encore de la pêche à Gaza 2014, seulement 4.000 continuent d’exercer aujourd’hui ; ceux qui ont été contraints de renoncer ont changé de métier, ou dépendent désormais des aides humanitaires pour subsister.

Les avions militaires israéliens ont encore mené trois raids sur différents lieux dans la Bande de Gaza, tôt dans la matinée, ce mercredi 24 juin 2015. C’était sur la petite ville de Beit Hanoun, dans le nord de la Bande de Gaza.

Rien ne semble changer pour les Gazaouis : blocus, bombardements, agressions, incursions, souffrance, blessés, morts… attaques permanentes.

Pire, peut-être, la presse internationale, probablement lassée, n’évoque même plus cette situation de guerre permanente, au grand bénéfice d’Israël.

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Ziad Medoukh

Directeur du Département de langue française à l'Université Al-Aqsa de Gaza (Territoires Autonomes Palestiniens)

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