PALESTINE – L’économie non-violente dans la bande de Gaza

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Une opportunité face au blocus israélien ? L’économie non-violente permettrait à Gaza de survivre tout en cessant d’importer des produits israéliens…

Les habitants de la bande de Gaza vivent une situation de souffrance, le maintien d’un blocus israélien illégal, la poursuite des attaques et l’isolement. Depuis le retrait israélien de la bande de Gaza et l’évacuation des colonies israéliennes en 2005, et depuis le début du blocus imposé en 2006, la population civile a subi trois offensives militaires israéliennes qui ont fait des milliers de morts et des milliers de blessés, sans oublier la destruction massive de toute une région, sans aucun projet réel de reconstruction.

La dégradation de la situation économique, une économie dépendante de l’économie israélienne et en faillite permanente, voit le taux de chômage dépasser les 65% ; le phénomène le plus dangereux est la hausse du chômage chez les jeunes de moins de 30 ans, qui atteint 85%. En 2015, suite aux destructions lors des lourds bombardements de l’été 2014, le nombre de chômeurs a augmenté de plus de 30.000 unités. 70% de la population de Gaza vit en dessous de seuil de pauvreté.

Sans oublier l’augmentation du nombre de personnes qui dépendent des organisations humanitaires. 75% des Gazaouis vivent des aides alimentaires. Selon les sources du bureau des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens –UNRWA– dans la bande de Gaza, plus de 970.000 personnes ont bénéficié du programme de l’aide alimentaire géré par le bureau en 2015 ; ce programme a élargi ses services pour cibler les citoyens et pas seulement les réfugiés.

Le blocus israélien qui dure et qui dure, la fermeture des passages commerciaux, et le maintien d’un seul passage qui s’ouvre d’une façon arbitraire pour les produits alimentaires et pour les organisations internationales seulement. Ce passage se ferme sous n’importe quel prétexte, par décision israélienne, sans prendre en considération les besoins énormes de la population civile.

Cette fermeture a empêché la libre circulation des importations et des exportations des biens et produits de Gaza, assurant ainsi l’incapacité de bâtir une véritable économie dans la bande de Gaza.

Pour beaucoup d’économistes, l’année 2015 est considérée comme  la plus catastrophique pour l’économie palestinienne depuis vingt ans.

Face à cette situation dramatique et face à cette dégradation économique dans la bande de Gaza, les Palestiniens de Gaza devraient s’organiser et devraient passer – pour échapper à cette souffrance d’une économie dépendante d’Israël – à une économie familiale non-violente. Une économie qui pourrait non seulement  faire face aux difficultés et au blocus israéliens, mais surtout pourrait renforcer leur résistance sur le terrain : la création de coopératives agricoles et le boycott des produits israéliens, la mise en route de projets pour le développement durable, qui bénéficie de l’expérience d’autres pays, comme l’Inde, et qui s’inspire des valeurs gandhiennes qui ont montré leur réussite dans beaucoup de pays et de régions du Tiers-Monde.

Une économie non-violente est une économie respectueuse de la vie et des rythmes de la vie, dans une dynamique d’équilibre optimal.

Le développement d’une économie non-violente dans la bande de Gaza se réalise de différentes manières…

L’aide aux familles des paysans, dans leurs champs et dans les différentes étapes du processus agricole. Ces paysans, pour pouvoir améliorer la production agricole de leur terrain, doivent être soutenus par le reste de la population, afin de continuer à travailler sur leurs terres.

Soutenir les agricultures et les paysans dans leur présence sur les  trois zones tampons au nord, au centre et au sud de la bande de Gaza, zones créées par les forces de l’occupation israélienne à l’intérieur des territoires de Gaza, ainsi que sur les terrains menacés par la présence militaire israélienne. L’économie non-violente participerait à la résistance, par le renforcement de la présence de ces paysans sur leurs terres, pour ne pas abandonner ces territoires aux soldats israéliens.

Créer des coopératives agricoles pour la production et la commercialisation des produits locaux. Les fruits et les légumes de Gaza sont connus pour leur qualité, mais ils ont besoin d’une commercialisation, et d’abord sur le marché intérieur. Cela doit passer par des coopératives qui aident et protègent les paysans.

Encourager les actions de bénévolat, la cueillette des olives, le ramassage des fraises et des légumes dans les champs et les terrains agricoles par des jeunes, des étudiants, renforcer la solidarité familiale et sociale.

Boycotter les produits israéliens : les Palestiniens doivent encourager leurs produits locaux, et essayer de montrer que ces produits pourraient être une alternative aux produits fabriqués dans des colonies illégales. L’occupant doit comprendre que les occupés ne peuvent pas continuer à consommer ses produits alors qu’il poursuit sa politique agressive à l’encontre des Palestiniens.

Accompagner les pêcheurs dans leur travail face aux menaces de la marine israélienne continuellement présente dans la mer de Gaza, qui tire sur les pêcheurs et confisque leurs bateaux. La présence de  nombreuses personnes dans les bateaux de pêche montrerait aux forces de l’occupation israélienne que ces pêcheurs ne sont pas seuls, et que  leurs bateaux peuvent travailler dans les zones internationales sans difficulté, comme c’était le cas avant le blocus maritime. Le secteur de la pêche est un secteur très important, il participe à 10% de l’économie locale dans la bande de Gaza, et faisait vivre plus de 10.000 pécheurs avant 2006.

Favoriser l’agriculture biologique incluant les normes éthiques internationales. Cette agriculture est presque absente des champs de Gaza, une région connue pour ses terrains agricoles et pour ses fruits et légumes de qualité. Ce type d’agriculture améliorerait la production agricole dans la bande de Gaza. Transformer la biomasse en compost avec des techniques comme la lombriculture, et issues de la permaculture.

Encourager l’économie de proximité, l’économie familiale et rurale, via les petits projets familiaux dans les maisons et quartiers, afin de renforcer le rôle des femmes dans la société et promouvoir la production locale et familiale.

Favoriser les productions artisanales dans les villages et dans les camps de réfugiés. Ce type de production n’est pas répandu, car il souffre de manque de moyens et d’encouragement. Les bénéfices seraient importants pour l’économie locale.

Créer des centres de formation pour organiser des actions non-violentes en lien avec la pensée gandhienne et les principes de l’économie non-violente. Ces centres ne seraient pas réservés aux paysans et aux agricultures, mais aussi ouverts aux jeunes, dans les universités locales et dans tous les secteurs de la société, afin d’organiser des stages, séminaires et formations sur les avantages et l’intérêt de l’économie non-violente pour toute la population.

Encourager la création de petites entreprises dans la bande de Gaza, petites entreprises productrices de fromages, d’huiles d’olive, de conserves, afin de pouvoir compter sur les produits locaux, absorber le chômage et augmenter le niveau de vie.

Le gouvernement israélien a toujours eu peur des actions non-violentes ; il ne veut pas voir les jeunes Palestiniens manifester pacifiquement contre la confiscation de leurs terres et contre la présence des soldats israéliens. Ces manifestations pacifiques gênent l’armée israélienne, qui peut difficilement, alors, justifier la répression armée.

Malgré les difficultés affrontées, liées à l’application de ces principes, cette alternative non-violente serait très efficace pour l’avenir et produirait un changement sur le terrain. Avec de l’organisation et de la patience, les résultats pourraient être très positifs pour l’indépendance alimentaire et économique des Palestiniens de cette région.

La lutte non-violente a montré son efficacité lors de la première intifada populaire, en 1987, dans les territoires palestiniens, au niveau politique, avec une large mobilisation populaire, une solidarité internationale importante, mais surtout une avancée dans le processus de paix.

Les Palestiniens devraient donc reproduire cette intifada au niveau économique.

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Ziad Medoukh

Directeur du Département de langue française à l'Université Al-Aqsa de Gaza (Territoires Autonomes Palestiniens)

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