PALESTINE – Pas de troisième Intifada!

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Il n’y a pas de troisième Intifada en Palestine.

PalestineLes événements actuels en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et dans la ville de Jérusalem, où se joue un face à face sanglant entre jeunes palestiniens et soldats et colons israéliens, des affrontements qui se soldent déjà par des dizaines de morts et des centaines de blessés côté palestinien -et quelques morts côté israélien aussi, des colons-, ont amené maints observateurs et analystes des médias à conclure que les Palestiniens sont en train de déclencher leur troisième Intifada.

Il est certain que l’intensification des affrontements, partout dans les Territoires palestiniens, dans toutes les villes palestiniennes, rappellent l’atmosphère qui prévalait lors de la première Intifada, commencée en 1987 ; c’était la « guerre des pierres », un soulèvement populaire de masse.

Il également vrai que les jeunes palestiniens, révoltés et déterminés ont soudainement investi les rues de toutes les villes et villages des territoires pour exprimer leur colère contre les colons assassins et contre l’agression des soldats israéliens qui ouvrent le feu à balles réelles pour soutenir ces derniers.

Mais la donne politique palestinienne a aujourd’hui changé ; et les divisions et intriguent qui ont fracturé la résistance palestinienne rend aujourd’hui presque impossible la réapparition de ce mouvement populaire de masse qui a ébranlé l’assurance israélienne, à deux reprises déjà.

Plus de vingt ans après les accords d’Oslo (1993), la création d’un État palestinien coexistant avec Israël n’a jamais semblé aussi illusoire – seule une partie de la Cisjordanie est sous le contrôle exclusif des Palestiniens – alors que le bilan humain demeure catastrophique et ne cesse de s’alourdir : la moitié de la population palestinienne vit sous le seuil de pauvreté, le taux de chômage avoisine les 25 % et les ressources en eau sont de plus en plus restreintes ; sans compter la liste des morts, qui s’allonge à n’en plus finir, presque quotidiennement, sans que la Communauté internationale ne réagisse, comme elle n’a pas réagi en juillet et août 2014, alors que l’armée israélienne a bombardé cinquante et un jours durant les agglomérations très densément peuplées de la Bande de Gaza (plus de 2.000 morts civiles).

L’impunité d’Israël, un État pourtant hors-la-loi, qui ne respecte pas les accords signés, donne carte blanche aux colons  israéliens, protégés par l’armée équipée d’armes américaines et européennes, qui encerclent et asphyxient la population palestinienne de Cisjordanie. C’est là le cadre dans lequel s’exprime la désillusion des Palestiniens ; et l’absence devenue totale de perspectives pour un vrai changement de la donne est telle que d’aucuns envisagent la résurgence de l’Intifada. Le recours à un soulèvement contre l’occupation  serait effectivement une réaction naturelle, dans ce contexte sans issue, et un message clair à l’intention de la Communauté internationale (plus qu’à l’intention du gouvernement israélien qui, depuis 1948 et peut-être même sous le gouvernement Rabbin, n’a jamais eu l’intention de partager la Palestine avec les Palestiniens) : la situation actuelle ne peut plus durer ; les palestiniens ne croient plus au dialogue de dupe qu’on leur impose depuis vingt ans, depuis bientôt soixante-dix ans !

Mais il n’est plus imaginable, aujourd’hui, de voir émerger une nouvelle Intifada, ni, pour les leaders, d’assurer son développement sur le long terme, et ce dans la conjoncture que connaît désormais la Palestine, où règne  la division, et dans cette région du Moyen-Orient de plus en plus marquée par l’instabilité et le mouvement permanent  des pouvoirs, qui ne font plus depuis longtemps leur priorité de la cause palestinienne.

En outre, quelle forme prendrait-elle, cette « nouvelle Intifada », face aux soldats et colons israéliens surarmés par l’Occident. ? Un affrontement militaire, celui de David contre Goliath ? Des actions non-violentes, qui resteraient ignorées de tous ? Des manifestations populaires où des centaines de jeunes iraient à la mort ?

Ce sont les trois tendances qui se disputent, en Palestine, sur la politique à adopter pour affronter l’occupation, restaurer les droits fondamentaux des Palestiniens et libérer les Territoires : la première continue de s’accrocher à la perspective d’un aboutissement de négociations pour la paix ; la deuxième prône une résistance militaire ; et la troisième appelle à des actions non-violentes.

Ainsi, en Cisjordanie, malgré les affrontements entre soldats israéliens et jeunes palestiniens, le Fatah, décrié par la jeunesse, continue de présider aux destinées du « gouvernement autonome palestinien » ; « l’Autorité palestinienne », très impliquée dans un processus de paix qui n’a donné aucun résultat (sinon l’extension permanente des colonies israéliennes sur des territoires palestiniens), ne veut pas d’une militarisation du conflit, d’une Intifada, convaincue qu’il faut donner une chance de plus aux négociations.

Dans la Bande de Gaza, en revanche, le Hamas, notamment, est favorable à l’action militaire ; mais, depuis le coup d’État militaire au Caire, les factions palestiniennes observent, impuissantes, les événements qui se succèdent en Égypte. Elles ne peuvent plus utiliser leurs missiles contre les villes israéliennes voisines, d’ailleurs inefficaces : en dehors de la trêve  qu’elles ont toujours respectée –contrairement à l’armée israélienne-, la tension avec le nouveau pouvoir militaire en Égypte, la fermeture du passage de Rafah et la destruction des tunnels  grèvent sérieusement leurs tentatives ; et leur crainte de compliquer davantage la situation d’une population déjà en crise et sous pression les paralyse également.

Des comités populaires et des activistes, notamment en Cisjordanie,  optent quant à eux pour la non-violence, pour des actions pacifiques… Symboliques… Mais, outre le fait qu’Israël (voire même la Communauté internationale) ne prête aucune attention à ces manifestations sans conséquence pour l’occupant, le problème est surtout qu’il n’y a aucune coordination entre les différents comités qui s’activent sur le terrain, sans oublier que ces actions ne sont pas non plus permanentes -elles se produisent seulement quand l’armée israélienne évacue des maisons ou détruit un quartier ou des villages. Deux autres facteurs participent à l’inefficacité de ces actions : le manque de soutien officiel de l’Autorité palestinienne et l’absence d’un soutien populaire plus large. Enfin, pour le comble, chaque association se replie sur la défense de son projet, sans soutenir les autres initiatives ni prendre en considération les autres tendances de la société palestinienne.

Cet état de division et de fragmentation, la rivalité de deux gouvernements qui se haïssent, l’un à Gaza et l’autre à Ramallah, les trois projets de résistance évoqués empêche le soulèvement d’une lame de fond palestinienne, d’une troisième Intifada ; même si la situation devient de plus en plus critique et si la jeunesse se radicalise. La question est simple : qui assurerait la mobilisation et l’organisation d’une nouvelle révolte palestinienne ?

Lors des deux premières Intifada, la première en 1987 (non-violente) et la deuxième en 2000, militarisée celle-là, il n’y avait qu’un seul mot d’ordre, respecté par tous les partis politiques et toutes les tendances qui agissaient sur le terrain ; il y avait un Conseil suprême qui gérait et structurait toutes les actions proposées, lesquelles étaient ensuite mise en œuvre et respectées par tous.

La seule tentative de résistance possible, dès lors, et qui a prouvé son efficacité, tout ce qu’il reste comme moyen au peuple de Palestine, c’est de rester, de ne pas partir ; c’est l’attachement à la terre de ces femmes, ces jeunes, ces pêcheurs, ces étudiants, ces paysans, ces familles, de toute une société civile qui, en dépit de toutes les agressions israéliennes et de toutes les frustrations, vexations et difficultés économiques et sociales générées par l’occupant pour vider la Palestine des Palestiniens, a décidé d’affronter la réalité par la patience. Mais combien de temps encore pourront-ils tenir ? Cinq ans ? Vingt ans ? Une autre soixantaine d’années encore ?

Mais, une nouvelle Intifada, un soulèvement, une révolution… Cela devra toujours passer par une unification de toutes les forces et tendances sur le terrain… et, avant tout, par l’unité nationale palestinienne. Et ce n’est pas d’actualité…

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Ziad Medoukh

Directeur du Département de langue française à l'Université Al-Aqsa de Gaza (Territoires Autonomes Palestiniens)

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