PALESTINE – Trump, la dernière chance du peuple palestinien ?

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Les mass-médias « grand public » en parlent peu, tant l’opinion s’est internationalement lassée des rebondissements à répétition et des massacres de civils qui jonchent l’histoire des 70 ans (que l’on commémorera cette année 2018) d’un conflit israélo-arabe ramené en 1973 à un « problème » israélo-palestinien, lorsque les États de la région en ont progressivement détourné les yeux… Mais, depuis que le président américain Donald Trump a déclaré son plein soutien à la proclamation de Jérusalem comme capitale d’un État juif en Palestine, la population palestinienne s’est soulevée, à Gaza comme en Cisjordanie.

Et Israël de réprimer sans ménagement, intensifiant les incursions armées dans les zones palestiniennes et les arrestations, surtout d’adolescents, souvent mineurs, devenus le fer de lance de la nouvelle révolte, apparue spontanément et qui perdure depuis 2015, sans mot d’ordre des leaders traditionnels. Ces derniers, au contraire, sont de plus en plus souvent accusés par la jeunesse palestinienne de faire le jeu des Israéliens, non seulement par les querelles de pouvoir qu’ils entretiennent entre eux, mais aussi parce qu’ils essaient de tempérer, voire d’étouffer la révolte des jeunes, par peur que la jeunesse, qui représente la très grande majorité des Palestiniens (75% de la population a moins de 30 ans), n’échappe à leur contrôle.

Une nouvelle forme de révolte qui couvait, s’est enflée à l’annonce de la décision américaine et pourrait maintenant exploser soudainement en une troisième Intifada, à la figure de l’occupant israélien, mais aussi au nez des dirigeants du Fatah et du Hamas, désormais contestés par cette jeunesse lassée par la violence de l’occupation et la corruption des dirigeants palestiniens avides de pouvoir. Il n’est ainsi pas rare que des jeunes soient arrêtés par les services de la sécurité palestinienne, pour avoir critiqué les positions de l’Autorité palestinienne et de son président Mahmoud Abbas ; et c’est à cet effet que l’Autorité palestinienne a promulgué, en juin 2017, une loi lui donnant un droit de regard sur internet et les publications sur les réseaux sociaux.

Cela dit, la décision de Donald Trump, le 6 décembre 2017, de reconnaître officiellement Jérusalem comme la capitale d’Israël et le transfert programmé de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem ont a suscité beaucoup de réactions dans le monde entier et replacer (pour un temps au moins) la question palestinienne sur l’avant de la scène.

Le 45ème président des États-Unis a en effet bouleversé 70 ans de politique américaine au Moyen-Orient et prend désormais le risque d’embraser toute la région en prenant une décision qui, a priori, vient ruiner les derniers espoirs des Palestiniens d’avoir un jour un État à eux, dans lequel ils pourraient être en sécurité, hors d’atteinte des attaques de l’armée israélienne.

Je ne reviendrai pas, dans cet article, sur les raisons de cette déclaration provocatrice, qui démontre à quel point la nouvelle administration américaine est inféodée au lobby pro-israélien très actif dans les milieux républicains (le président Obama lui-même été contraint, en son temps, de faire marche-arrière lorsqu’il s’était agit de reconnaître le statut de la Palestine à l’ONU) ; en revanche  il pourrait être opportun d’insister sur la réaction internationale face à cette décision unilatérale…

Très peu d’États, en effet, ont salué cette décision ; et aucun responsable politique d’envergure n’a approuvé cette déclaration, qui ne donne aucune chance d’avancer dans le processus de paix  israélo-palestinien déjà en plein échec (depuis le blocage programmé des Accords d’Oslo, que, de toute évidence –comme l’ont montré les faits- Israël n’a jamais eu l’intention de concrétiser) et qui grève les perspective d’une solution à deux États.

La décision de Trump n’a pas été une surprise, notamment après sa compagne électorale et les idées nationalistes et droitières qu’il y a sans ambiguïté affichées. La démocratie, de nos jours, donne des résultats étranges, et aux États-Unis, les extrémistes néoconservateurs ne cessent de gagner des points.

La réaction palestinienne qui a fait suite à cette annonce reste limitée à des manifestations et des rassemblements populaires, non-violents, pour dénoncer les soldats et les colons israéliens ; et après deux semaines, les Palestiniens, toujours divisés entre le Hamas et le Fatah, n’ont pas déclenché leur troisième Intifada contre les forces d’occupation israéliennes, malgré l’importance de l’enjeu que constitue Jérusalem pour toute un peuple et l’aboutissement de sa cause ainsi sévèrement mise à mal.

Cela s’explique par le fait que l’Autorité palestinienne a choisi d’attendre que davantage de réactions internationales se manifestent en sa faveur ; et elle a pris l’option de mener une offensive diplomatique au niveau des instances internationales pour essayer de changer la décision américaine.

En effet, cette décision de l’administration Trump à propos de Jérusalem a paradoxalement un aspect avantageux pour la cause palestinienne : la solidarité internationale et le soutien mondial aux Palestiniens ont été ravivés par la vague d’indignation qui a déferlé au sein de la communauté internationale, et qui a confirmé que Jérusalem est bien palestinienne.

Outre les positions défendues par nombre de dirigeants occidentaux, y compris parmi les alliés de Washington, qui ont qualifié la déclaration de président états-unien « d’irresponsable », de « regrettable » ou encore « d’irréfléchie », la réaction de l’opinion publique, dans plusieurs pays, a surpris les observateurs.

La décision de la direction américaine repositionné la cause palestinienne au cœur des préoccupations internationales, une cause qui avait été occultée par les événements de Syrie, d’Iraq, de Lybie,  voire aussi du Yémen si la terrible guerre qui se déroule dans ce pays n’était en partie oubliée par les médias.

La communauté internationale, dont l’Union européenne, a, dans sa majorité, condamné fermement cette décision. Le Conseil de sécurité des Nations Unies, lors d’une réunion d’urgence, a confirmé les résolutions onusiennes qui interdisent l’annexion de territoires conquis par la force. Et la Turquie d’Erdogan a appelé à un sommet islamique à Istanbul, qui a reconnu Jérusalem comme capitale d’un futur État de Palestine.

La colère gronde contre cette nouvelle injustice, et pas seulement dans les pays arabes et musulmans, mais aussi partout où l’opinion a conscience qu’un pas supplémentaire a été franchi dans le sens de la violation du droit international.

En reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël, soucieux de conforter son électorat extrémiste, Donald Trump affiche en effet publiquement son mépris du droit international, et il affirme le soutien inconditionnel des États-Unis aux politiques criminelles de l’État d’Israël, cautionnant la violence de l’occupation et la colonisation galopante.

Les événements à venir prochainement montreront si les Palestiniens réussiront à préserver leur souveraineté sur Jérusalem-Est, si la mobilisation internationale fera reculer l’administration Trump, ou bien si le statut de Jérusalem sera de facto modifié, signe, alors, que la cause palestinienne serait mise au désespoir.

Pour l’instant, il semble que la pression internationale se poursuit, et le soutien à la lutte du peuple palestinien pour ses droits et sa dignité se renforce, tandis que les États-Unis s’isolent.

En effet, l’enjeu de Jérusalem dépasse le seul cas de la cause palestinienne : aucun État ne peut admettre que les États-Unis s’arrogent ainsi le droit de « produire du droit » international par la force.

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Les Palestiniens devraient saisir cette occasion historique pour  unifier leurs efforts, choisir une forme unique de résistance face à cette nouvelle provocation israélo-américaine et avancer dans la réconciliation selon le nouvel accord signé en octobre 2017 ; ils devraient profiter de cette solidarité internationale afin de renforcer leur position face à l’occupation israélienne.

Car c’est désormais la course contre la montre que court le peuple palestinien. Avec le temps qui passe, en effet, vient l’oubli ; et c’est de cette manière que, depuis 1948, Israël a prospéré.

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Ziad Medoukh

Directeur du Département de langue française à l'Université Al-Aqsa de Gaza (Territoires Autonomes Palestiniens)

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